Atelier 14 - 2023 - Sujet 1
On dit de Bastien que c’est un homme de grande valeur.
À le voir évoluer depuis ce jour où sa vie a basculé, où son cocon s’est vidé de l’âme même qui le portait, qui le magnifiait, on se doute qu’il a eu des exigences terribles pour remonter la pente. Endosser le rôle d’une maman pour ce jeune papa n’est pas une évidence. Au-delà du choc, du chagrin, il a dû faire face pour les deux bambins qui subissaient ce traumatisme avec lui. Malgré la lassitude devant les tâches ménagères qui lui incombaient seul désormais, on percevait sa volonté d’aller de l’avant. Préparer les enfants pour l’école, sans oublier leur goûter dans le petit sac à dos, réserver la cantine, les déposer à l’heure devant l’établissement où la maitresse les accueillait avec le sourire masquant à peine son émotion.
Heureusement le télétravail avait simplifié ses déplacements et aménagé ses horaires. Il pouvait ainsi assurer l’intendance du quotidien sans pour autant alléger la peine qui le submergeait. Surtout le soir. Il maintenait le rituel de la lecture. Des sanglots, étouffés à moitié par les mots, jaillissaient malgré lui. Vite, couvrir de bisous ses deux petits, les entourer de ses bras comme s’il s’accrochait à une bouée d’amour. Cette étreinte lui redonnait confiance pour avancer et répondre aussi à leurs questions.
Il tombait de fatigue. Pas facile de trouver le sommeil une fois allongé. Des souvenirs remontaient, les plus douloureux qu’ils devaient accepter, puis laisser passer. Par opposition, il puisait dans sa mémoire des moments où il était transporté de joie extrême, telle sa rencontre avec Sandy, la jeune femme qu’il avait épousée. Sept ans déjà ! Plus jamais, il ne s’imaginait exulter de bonheur. Il était vraiment seul pour tout assumer.
Une chance, son métier le passionne. Il s’investit pleinement dans des recherches de constructions futuristes alliant confort, écologie, économie d’énergie. En pleine réunion avec les architectes, un appel de l’école lui demande de récupérer le plus petit, souffrant de violents maux de tête. Il se précipite dans sa voiture. L’enseignante n’a pas le temps de l’informer, il s’engage dans la rue bloquée par une manifestation libertaire. Il doit faire un détour pour arriver aux urgences pédiatriques. Après une attente raisonnable et des contrôles adéquats, il est rassuré mais conscient encore un peu plus que sans son épouse, il ne pourra fournir cette assiduité indispensable pour l’équilibre de ses chers petits.
Comment font les familles monoparentales ? Il va devoir y penser.
Son esprit prompt à la gestion d’une équipe va rapidement trouver une solution. Maëva, sa jeune sœur, étudiante dans sa ville, pourrait habiter avec eux. Elle accepte volontiers car elle adore ses neveux.
Quand elle n’est pas disponible, une personne attentionnée, proche de ses enfants propose ses services au jeune papa, de plus en plus souvent. Lui ne le remarque pas, pas encore mais sa sœur, intuitive, voit dans cette relation un sentiment plus fort que l’amitié. Cette perspective d’horizon éclairci la rassure car elle ne sera pas toujours là. Elle termine ses études fin juin. Même si Gabin et Naël grandissent vite, ils ne sont pas prêts de voler de leurs propres ailes…
Oui, c’est certainement un homme de grande valeur. Même la maitresse de ses enfants, elle qui secrètement sait déjà qu’elle n’aura pas cette chance d’en avoir, le pense très fort. Bastien est méritant et courageux, elle aimerait tellement l’aider encore davantage.
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