Atelier 14 - 2021 - sujets 2 et 3
La bouteille à la mer.
Ce matin l’air est frais, le ciel mouvant, la mer est houleuse presque en colère, les rouleaux déversent leur mousse blanche sur la sable avec force… je ne sais pas pourquoi... j’ai l’impression que les flots me parlent
Je les écoute et les observe avec insistance.
Tout à coup une rafale sifflante m’étourdit et c’est alors qu’une bouteille de verre épais se cogne sur un bois flotté et roule à mes pieds. D’où vient-elle ?
La curiosité me pousse à la ramasser.
A l’intérieur il y a un papier roulé et des grains de sable noir.
Je n’ai pas envie d’attendre plus longtemps pour l’ouvrir bien que le bouchon soit très hermétique. Avec les moyens du bord, c’est-à-dire un couteau suisse, j’entreprends de ruiner le bouchon et j’arrive assez vite mes fins.
Je renverse la bouteille et prends le petit rouleau de papier. J’ai le cœur battant, impatiente de le déplier.
Une interrogation arrête mon geste. Peut-être vais-je violer un secret ? M’approprier des mots qui ne me sont pas destinés, mais que faire ? Très vite mes scrupules se noient dans les vagues bruyantes.
Quelqu’un pourrait vouloir de l’aide.
Je découvre alors un genre de dessin d’enfant naïf, à la fois très précis, un animal au museau de chat et au corps d’oiseau aux courtes ailes, très surprenant.
Je regarde cet animal curieusement hybride qui m’intrigue.
Quel est le sens de ce message imagé ?
Une bouteille à la mer pour qui ? Pour quoi ?
Je scrute attentivement le dessin.
Je plonge dans les yeux du chat et je suis comme avalé par ce regard vert et transparent qui rayonne de mystère, j’ai la sensation que des pattes m’enserrent, que je m’envole au-dessus des flots foncés et je perds connaissance.
Je me retrouve allongée derrière un gros rocher qui ressemble à un dragon et le sable est noir.
Mais que fais-je là dans ce paysage quasi lunaire d’une beauté maléfique.
J’ai du mal à respirer et à retrouver mes esprits. Je tente de me lever. Un étourdissement me rejette au sol. Le rocher semble s’être déplacé…
J’ai faim, soif et rien en vue.
J’ai peur de mourir là.
Ce sable volcanique me rappelle les Iles Canaries…mais rien de souriant dans cet environnement. Pas le moindre signe de civilisation.
J’ai perdu la notion du temps. Le soleil ne se couche pas. Il est fixe en plein ciel.
J’essaye à nouveau de me lever. Je pèse une tonne. Je m’appuie au rocher. Il s’écarte. Je retombe.
Comment cette masse rocheuse peut-elle bouger ?
La chaleur m’épuise. La mer est verte et furieuse.
Je ne sais pas combien de temps je reste au sol. Tout à coup un cri strident me sort de ma torpeur.
Il vient du Roc Dragon qui ouvre une gueule rougeoyante.
Des flammèches en sortent et écrivent sur le sable noir le discours suivant:
« Tu as ouvert la boite de pandore.
Toi ou un autre c’eut été pareil.
Je vais te donner une chance de repartir dans ton monde.
Tu diras à tes pauvres semblables que le temps vous est compté.
Regarde autour de toi. L’humain a cassé son jouet.
Cette désolation est votre futur sans eau, sans nourriture, sans faune, ni flore, vous vous dévorerez entre vous si vous n’abandonnez pas vos envies de tout dominer au mépris de la simplicité, du respect de la nature, des animaux, des autres, des vulnérables quel qu’ils soient en faisant triompher l’Amour »
A ce moment-là le chat oiseau apparait, se pose et me fixe : je me noie à nouveau dans son regard et il m’absorbe, des pattes m’enserrent, je m’envole au-dessus des flots sombres et je perds connaissance.
Quand j’ouvre les yeux, il fait nuit. J’ai froid. Je suis couché près du bois flotté. La bouteille a disparu.
Je me relève endolorie et titubante et je sais que ma mission est de porter les paroles du Roc Dragon avant qu’il ne soit trop tard d’un bout à l’autre du monde au prix de multiples voyages sans lassitude, à pied, en bateau, avec l’appui de compagnons de route au grand cœur…
Peut-être que cela existe, peut-être que je réussirai ?
Clohe
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