Maridan-Gyres

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Atelier 13 - 2019 - 1er sujet

 

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Le paradoxe du grand-père

 

Avant de recevoir pour le week-end une amie connue pour être une excellente femme d’intérieur, je me dois de résoudre de toute urgence mon épouvantable tohu-bohu qui ne cesse, à mon grand désespoir, d’agrandir mon capharnaüm envahi de poussière. Il s’avère nécessaire aussi de jeter sans pitié tous ces documents et autres revues qui s’empilent, chargés ou non d’histoires, sur les étagères. Le hic c’est que plus je cherche à les compulser avant le choix fatidique, plus je tombe dans cette vieille ornière qui m’enfonce dans leur lecture sans que je puisse aller plus loin, plus vite dans mon rangement. L’indécision prend alors le pas sur mon temps qui fuit. Et le retard savoure sa victoire.

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A côté de documents qui rejoignent sans état d’âme la poubelle réservée au papier, restent quelques-uns qui, implorant mon regard, ont su obtenir un sursis provisoire. Parmi ces derniers, découvert de justesse car plaqué entre deux très vieux dossiers destinés aux oubliettes, repose tranquille comme assuré de son destin « à demeure », un tout petit texte, mignon comme tout mais mystérieux comme une intrigue pas encore résolue, portant sur « l’illusion d’aller plus vite que la lumière ».

 

Dans le passé, j’avais eu à faire face à d’importantes charges mentales tant familiales (mère de famille nombreuse) que professionnelles (entreprise en difficultés). Désormais à la retraite, j’évolue avec volupté dans une certaine forme de lenteur calculée que procure la liberté d’être et d’avoir du temps pour soi.

 

Entre autres libertés appréciables, il y a celle me permettant de fréquenter qui je veux sans avoir à fournir une quelconque justification à qui que ce soit, celle que pigmentent les instants respirés à pleins poumons l’air pur le long de mon Lez bien-aimé, celle de lire ou d’écrire jusqu’à l’aube etc… Une fois cette lenteur mise en place, j’éprouve alors une attirance presque physique pour tout ce qui est fulgurant, lumineusement évoquant.

 

Peut-on imaginer chose plus poétique que cette illusion d’aller plus vite que la lumière ?

 

Sur deux petites colonnes du Monde en date du 21 juillet 2000 (Ciel !

 

déjà presque deux décennies !), Pierre Barthélémy rapporte que :

 

«Des chercheurs étaient parvenus à surmonter l’ultime barrière, la vitesse de la lumière ! Le milieu scientifique avait pourtant adopté une attitude prudente, réservant ses commentaires jusqu’à la publication de l’étude menée par une équipe de recherche de la société d’informatique japonaise NEC, installée à Princeton (New Jersey) … La physique n’en sortira pas révolutionnée, comme une interprétation hâtive des résultats avait pu le laisser croire. Risquaient d’être violés rien moins que la théorie d’Einstein et le « principe de causalité » selon lesquels aucun objet, aucune information ne peut aller plus vite que la lumière dans le vide. En dépassant cette limite, on a en effet, toutes les chances de se trouver en face du paradoxe dit du grand-père, un classique de la science-fiction. Imaginez un astronaute voyageant dans un vaisseau spatial supraluminique (plus rapide que la lumière). La théorie de la relativité prévoit qu’alors il remontera dans le temps. Il pourrait, par exemple, revenir sur Terre deux générations en arrière et tuer son grand-père avant que celui-ci n’ait le temps de concevoir sa mère. Alors l’astronaute existe-t-il ? C’est ce genre de paradoxe qui a fait « interdire » de tels voyages supraluminiques … »

 

Il est évident qu’il n’est pas du tout dans mon intention de « tuer » mon grand-père même par le biais de la science-fiction. Je tiens à exister, moi, en tant que la fille unique de ma Mère.

 

La solution serait probablement de ressusciter les flux et reflux du vécu de notre histoire familiale. Grâce à ce détour où voguent, seules, les dérives de mon imaginaire.

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Dans le délicieux livre d’Erik Orsenna « La grammaire est une chanson douce », le personnage nommé Monsieur Henri a l’habitude de dire, en guise d’au-revoir qu’une chanson l’attend. « C’était sa manière de parler et aussi de vivre. A tout instant, il répétait : Une chanson m’attend. Comme si c’était sa femme, une femme fragile et très aimée et qui aurait pu disparaître, s’évanouir dans l’air s’il n’arrivait pas à temps ».

 

A l’instar de Monsieur Henri, je crois que, dorénavant, moi aussi, j’ai une histoire qui m’attend. Une histoire à glisser dans ce récipient d’or de la partie postérieure de ma tête où nagent des sillons de mots, où des phrases se croisent, se tendent ou se distendent … Une histoire d’existences vécues, de présences imaginées… Mais chut ! Je ne puis en dire plus car ce sera une bien autre histoire dont je me garde bien de révéler les facettes tant j’ai peur de voir tout disparaître … si je n’arrivais pas à temps.

 

Elfina

Ermitage-sur-Lez

20/05/2019



30/05/2019
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