Maridan-Gyres

Maridan-Gyres

Atelier 12 – 2022 – sujet 1

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Seule sur la plage à l’écart des festivités, Louise fixait l’horizon. Le vent fouettait ses cheveux et rapportait à ses oreilles les notes de musique qui animaient le village. Elle s’était éloignée de la liesse générale pour se retrouver au calme quelques minutes et réaliser le moment présent, sur ce sable qu’elle avait si souvent foulé avec des deux amies, dans l’insouciance de leur jeunesse malgré leur épreuve commune. Elle se rappelait avec amusement leurs discussions animées pleines d’espoir sur ce futur empreint de libertés qui les attendaient. Des projets en bataille, tous plus farfelus les uns que les autres, pour certains des élucubrations, pour elles ils étaient déjà réels… Mais quelques semaines après leur coup d’éclat au marché qui avait créé l’étonnement au village, un évènement avait tout remis en cause : la guerre avait été déclarée ! Au début elles n’avaient pas vraiment réalisé : cette guerre était loin, loin de leur plage, de leur village et de leurs espoirs. Elle s’était entêtées à refuser l’adversité, rien ne les empêcheraient d’avancer. Mais il leur fallait du temps, et le temps leur a manqué : un jour les allemands sont arrivés. Couvre-feux et rationnements, que de privations pour des jeunes filles avides de liberté.

 

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Loin de se laisser abattre, elles ont échafaudé des plans pour améliorer leur quotidien d’abord, puis celui de leurs voisines. Celles dont les maris étaient prisonniers et qui se retrouvaient seules pour nourrir aïeuls et enfants. A tour de rôles, toujours par deux, elles parcouraient les chemins à vélo, allant récolter légumes et œufs fournis par les fermiers solidaires. Toujours à la recherche de plus victuailles, elles avaient parfois réussi à récolter quelques coquillages sur les rochers à marée basse. Elles avaient pu aménager leurs paniers d’un double fond toujours recouvert de fleurs, celles qu’elles ramassaient sur le chemin pour les tombes vides de leurs maris. Quand elles croisaient les patrouilles, elles arboraient leur sourire le plus triste : les soldats sensibles à leur histoire, mais sûrement plus à leurs gracieuses silhouettes, les laissaient passer sans trop de difficulté après un semblant de contrôle. C’est ainsi qu’avec le temps, les fermiers avaient commencé à leur donner des messages à transmettre à l’épicier. Elles n’auraient pas su dire ce qu’ils contenaient, mais tant qu’elles rapportaient de quoi manger, elles voulaient bien tout transporter.
 

Et maintenant que faire ? Ces années de guerre leur avaient paru interminables. Car pendant ce temps leurs projets de jeunes filles s’évanouissaient, et d’autres plus matures et personnalisés germaient. Leur veuvage et la guerre ne les avaient pas abattues : elles se sentaient plus fortes pour affronter l’avenir. Mais où, et comment ? Toujours sans réponse à ses interrogations, Louise revint tranquillement vers le village. Les banderoles tricolores flottaient au-dessus d’elle, les villageois heureux se congratulaient, chantaient, dansaient. De là où elle était, elle apercevait Augustine et Marie riantes dans les bras des GI, et elle sourit. Qu’importe les questions, il suffirait de se laisser porter : avec ces deux-là elle saurait s’adapter aux défis qui les attendaient !

 

Lizzie



07/07/2022
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