Atelier 10 - 2022 - sujet 4 Lipogramme sans A
Une de moins
Pour toi, lettre essentielle s’il en est une, originelle et unique, notre numéro un, toi qui choisis de mourir, de te suicider, d’errer seule...
Je dois te dire que je t’en veux... je suis en colère... tu viens de commettre un terrible délit !... hypocrisie, mensonge? Comment intituler un tel geste ? Se retirer du jeu, quitter si brusquement tous ceux qui ont besoin de toi, qui comptent sur toi !... c’est presque du mépris ! Es-tu consciente du préjudice que tu crées ? Peut-être que tu ne t’en soucies guère ! Insolente et imbue de toi-même, tu t’es comportée en petite insensée égoïste !
Pourquoi nous rejeter si brusquement ? Moi, ton pote, ton disciple, ton élève, ton frère, je cherche, je rumine, je suppose, j’épuise mes neurones... pour comprendre pourquoi... Visiblement nous ne te suffisions plus...
Tu t’es enfuie loin vers les nuées, vers des cieux plus cléments peut-être... tu t’es envolée sur un coup de tête, une lubie... Pourquoi donc?... Un besoin d’éviter l’immobilisme, l’engourdissement...
Un désir d’évolution, de progrès, une nécessité de devenir une
légende? Une envie irrépressible de rejoindre un univers plus singulier, de rencontrer des symboles différents des nôtres, plus exotiques, plus merveilleux, qui pourront te servir pour inventer des histoires encore plus insolites, écrire des poèmes plus sophistiqués, ou
simplement pour découvrir un univers jusqu’ici inconnu ! Tout ceci n’est que prétexte... nulle excuse ne peut expliquer un tel comportement... Je te le dis tout net, c’est injuste et cruel !
Tu nous prives de si jolis mots, de si jolis contes... Comment écrire un livre si tu n’es plus ici ? Toi, notre numéro un, depuis ton envol vers cet horizon noir et vide, il n’existe plus de lettre de début, juste le Z pour terminer... Comment finir quelque chose qui ne peut commencer ? Le monde doit-il se retenir de tourner juste pour t’obéir ?
Cet éloignement me consterne... Je ressens en moi une
immense peine et même une énorme colère... comme une explosion d’hostilité, de violence... un bouleversement, une destruction qui est ton œuvre, chère lettre défunte... Oui, moi réputé si serein, me voici devenu revêche et venimeux... tu peux être fière de toi ! Le mot deuil ne signifie plus rien, il est trop petit pour ce déchirement irréversible... Je suis brisé, en pleine détresse... Mon seul désir est que force et envie me reviennent un jour pour que ton souvenir ne puisse plus m’empêcher de vivre. Je refuse de te remémorer, de t’évoquer, ou même de te suggérer... je jure de ne plus prononcer ton nom... non, pour moi, tu n’existes plus... Ecoute-moi bien, toi l’infidèle... je te renie, te révoque, te répudie... Mon vœu le plus cher est de pouvoir ensuite te gommer et même te supprimer définitivement de mon existence... même si les sentiments résistent souvent, je suis un guerrier et je crois pouvoir surmonter cette épreuve... Une chose est sûre, le monde tourne toujours, indifférent, oublieux de ton décès... en ce qui me concerne, je me débrouille plutôt bien, mieux que prévu... cette peur insensée de perdre cette joie intense d’écrire s’estompe...
En épilogue, je t’offre donc ce petit texte, un dernier présent pour sceller le dénouement de notre complicité, une sorte de pied de nez bien mérité qui se propose de te suivre vers les brumes éternelles...
Bye bye, très belle, toi qui t’es éloignée pour rejoindre dieu ou démon, surtout ne reviens plus... je veux bien te concéder quelques soupirs, c’est tout !... Selon moi, c’est tout ce que tu mérites de recueillir, en plus d’une petite inscription un peu ironique du style ‘“Ni regrets ni remords, ni bises ni étreintes, ni fleurs ni couronnes, ni sérénité ni repos éternel !”
Alterego
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