Maridan-Gyres

Moi, je suis un « corbeau », auteur de lettres anonymes. Mes messages dénonciateurs empoisonnent la vie d’un écrivain dont les livres sont des succès.

Ce soir, je le vois, il est là, invité sur un plateau télé. La cinquantaine, bien conservé, il se pavane et fait le beau, personnage célèbre et adulé. Sur les panneaux publicitaires la propagande de son dernier roman a démarré, c’est déjà un best-seller dans le monde entier.

Lui, Raphael, Rafi pour les intimes, ami fidèle de mes parents, a déchiré mon enfance il y a vingt ans.

Nous habitions une jolie maison à colombages dans un charmant village du Calvados traversé par la « route du cidre ». Rafi était venu pour le week-end se ressourcer chez nous. Célibataire, il vivait seul à Paris et écrivait déjà des poèmes, la nature l’inspirait "disait-il."

C’était un samedi mes parents étaient allés au marché, Rafi n’avait pas voulu les accompagner prétextant une migraine. J’avais onze ans à peine …

Je me souviens : le rythme de mon cœur s’accélère, j’entends un souffle haletant, j’ai dans la bouche le goût de mes larmes salées.

Je venais de nettoyer ma chambre, de l’aérer, la ranger, elle était toute proprette, sentait bon l’herbe coupée, les rayons du soleil l’illuminait, une belle journée de printemps s’annonçait.

J’ai pris dans mon cartable mes cours d’anglais, je commençais à réviser. Soudain il est entré tremblant de tout son corps, le regard diabolique, le visage congestionné. Il m’a saisie, jetée sur mon lit et mon enfance a basculé.

Menacée, je lui ai promis le secret, terrifiée, culpabilisée, muselée j’ai survécu toutes ces années.

Mais demain c’est décidé :le courrier menaçant c'est terminé, je n'en ai plus besoin. !

Le voir ainsi à l’écran en toute impunité m’a donné le courage de le dénoncer.. Ma parole s’est libérée, je vais alerter la presse et le scandale va éclater.

Il va enfin être inculpé, il est coupable et va payer !

Anne