La nouvelle de Karima suite
Depuis le premier jour où Béatrice s'est assise à côté de Yasmine, elles ont pris l'habitude de discuter ensemble, sous le regard étonné des passants qui voient ses deux femmes rire aux éclats. Un lien indescriptible s'est installé entre elles.
Yasmine lui a raconté comment elle s' était retrouvée dans la rue à mendier en chantant ses poèmes : c' était cela ou vendre son corps… : J'ai survécu avec ma seule et unique volonté.
Béatrice elle, lui avait confié son chagrin de ne pas être mère… Même si elle prétendait que tout cela faisait partie de l’œuvre de Dieu : Elle sentait un grand vide en elle.
- Alors, tu as aimé mon livre ? lui lance Yasmine avec un grand sourire aux lèvres en mordant dans son croissant.
- Oui je l'ai dévoré d'une traite. Lui lance Béatrice avec un éclat de rire dans la voix. À ma grande surprise !
- Zola est mon auteur préféré. Lui lance Yasmine avec des yeux qui brillent de joie. J'ai appris à lire le français avec mon père… Notre Dame de Paris, de Victor Hugo, est son livre préféré, mais moi je préfère Émile Zola. Mon préféré de tous ses livres c'est : Au Bonheur des Dames.
- Moi la seule chose que j'ai apprise de mon père, c 'est d'aller à l'église tous les dimanches. Lui lance Béatrice avec un rire dans la voix : C'est même le seul jour où je passais une journée entière avec lui.
- Je suis désolée pour toi.
- Ne le sois pas, les nounours se sont chargés de m'éduquer… Lui lance Béatrice avec un regard doux posé sur elle : Si tu me le permets, je souhaiterais raconter ton histoire ?
- Mon histoire !
- Oui… Lui lance Béatrice avec un sourire doux vers Yasmine. Je souhaite raconter ton parcours.
- Je ne suis rien !
- Ne crois pas cela, tu es une femme extraordinaire.
C'est comme ça qu'on avait découvert à la une du magazine, à la place de « chronique sur l'amour », ma drôle d'amitié.
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Quand ses parents l'avaient confiée à un cousin lointain, elle avait emporté dans son bagage quelques vêtements et un seul livre, Au Bonheur des Dames - d'Émile Zola. Ils espéraient un avenir pour leur fille de 18 ans.
Au lieu de cela elle s’était retrouvée enfermée dans une chambre… A vivre comme une esclave au service de cette famille, à faire leur ménage, à faire la cuisine. Pendant 10 ans, elle n'avait pas vu un rayon de soleil, pire que cela… Avait même servi au désir du père. L'épouse avait tout vu, mais elle préférait fermer les yeux…
Un matin par miracle, l'épouse avait laissé la porte ouverte. Où était-ce par pitié qu'elle avait fait cela ? Yasmine s'était posée la question juste une fraction de seconde avant de prendre son livre préféré quelques vêtements dans son sac à dos. Elle était partie sans se retourner, avait épousé toutes les misères du monde dans les rues sans jamais perdre sa dignité.
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Elle a garé sa voiture… Elle respire un bon coup en se regardant dans le rétroviseur… J'ai l'impression que c'était hier que nous avions fait connaissance. Elle se dit cela en voyant son visage : et pourtant dix ans se sont écoulés Yasmine ! Je n'oublierai jamais cette belle femme qui s'est assise un jour à côté de moi… Qui a changé ma vie à tout jamais.
Elle sort de sa voiture un bouquet de roses à la main et marche tout doucement… Arrive à la tombe de Béatrice, elle dépose les roses et murmure d'une voix tremblante d'émotion :
- Jamais je ne te remercierai assez d'avoir fait de moi une femme libre. Je ne suis pas devenue avocate comme mon père en avait rêvé, mais je suis devenue poétesse. Mes vers sont dans toutes les bouches des gens de France et d'Orient. Je suis devenue une femme libre, une épouse et je suis mère d'une petite Béatrice ; et oui je l'ai appelée Béatrice en hommage à toi, la femme qui m'a sortie de la rue.
Karima
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