Atelier 1 - 2025 - SUJET 5
La vie insolite des objets
Christine sort de la cuisine.
La table dit à ses collègues :
« Profitons de notre réunion pour faire le bilan de notre vie. La mienne n’a jamais été amusante : toujours obligée de porter des objets. Certaines tables plus riches, de style Louis XV par exemple, exercent une fonction plus honorable : embellir les intérieurs, moi je ne suis qu’une simple table à manger. On m’a abîmée dans les déménagements, cognée, cassée, on a renversé des liquides sur moi. Bref, j’en ai vu de toutes les couleurs ! Heureusement, je passe maintenant un d’agréable moment lorsque Christine pose un vase fleuri sur moi. »
Les couverts de la ménagère sortent de leur boîte et se mettent à parler :
« Nous avons une grande valeur : nous sommes fabriqués en argent. D’ailleurs, nous avons été revendus plusieurs fois, et avons eu l’immense honneur de faire partie des enchères de la Salle des Ventes de Drouot, à Paris. C’est vrai, on nous délaisse souvent. Mais vous savez, si on oublie de nous nettoyer, nous noircissons pour nous venger. Il ne faudrait pas croire que nous passons notre vie allongés dans cette boîte. Lorsqu’il n’y a personne, on en profite pour danser. »
Les couteaux se dressent alors brusquement et sautent de leur écrin. Les fourchettes les imitent et notre petit monde se met à tourner. Au bout de quelques minutes, ils s’écroulent de fatigue.
Une lampe songeuse intervient :
« Je crois que l’on s’égare ! Je vais éclairer vos lanternes : l’important pour un objet n’est pas sa valeur marchande mais son utilité. »
« Bien répondu, disent les chaises jumelles à l’unisson. »
Une boîte prend la parole :
« Je me souviens, c’était du temps où Célestine âgée de 20 ans, me confiait précieusement ses lettres d’amour. Chaque fois qu’elle en recevait une, elle en faisait un rouleau qu’elle entourait d’un joli ruban de satin de couleur. J’aimais recevoir les confidences de son fiancé. Je ressentais les émotions qu’elle éprouvait et mon humeur changeait au gré des siennes.
Puis Amandine m’a récupérée. Entre temps, j’avais été abîmée, mais elle ne m’a pas réparée. J’ai alors servi de boîte « à photos d’acteurs de cinéma » : quelle déchéance, des personnages souriant mais sans vie. En outre, Amandine très gourmande savourait des sucreries en triant les photos. Résultat : j’étais recouverte de restes de goûter, c’était dégoûtant ! Elle avait bien peu de respect pour moi. Me voici aujourd’hui, relookée grâce à Christine qui m’aime bien. Elle m’a recouverte d’un beau papier bleu foncé avec des étoiles dorées. Et devinez le trésor que je cache ? Vous ne trouvez pas ? Des poèmes : je suis maintenant la gardienne d’un florilège d’émotions et de pensées.
Vous me dites que la poésie est passée de mode et que personne n’en lit plus ? Vous n’y connaissez rien, moi, j’adore ! »
« Chut, dit la table : voilà Christine. »
Les couverts sautent dans la ménagère qui se referme.
La jeune fille rentre pour préparer le déjeuner.
Iris
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