Atelier 6 - 2022 - sujet 4 images 1 et 5
Le printemps de Naori
Au fond comment colore-t-on notre vie, comment lui donnons-nous de la matière, de la vibration ? Comment créons-nous un paysage printanier au cœur de l’hiver qui nous habite ? Qu’est ce qui est important, quelle victoire nous transporte ? Quelle trace s’inscrit en nous ? Quelle trace laissons-nous ? Existe-t-il des valeurs universelles ? Un amour universel ? Qu’est-ce que la fraternité humaine ?
Quel arc en ciel guettons-nous tout au long de notre existence ? Quel fil ténu nous relie ? Avons-nous la solution au creux de mes mains ? Qui sont les justes ? A quoi ressemble le véritable amour ? Est-ce que nous sommes faits pour vivre heureux ? le bonheur est-il essentiel ? Que faire de nos préjugés ? Qu’est-ce qu’une victoire ? Qu’est-ce qu’une défaite ? Qu’est-ce que la vérité ?
Toutes ces questions et bien d’autres Naori les avait inscrites l’une après l’autre sur des ballons réunis en grappe colorée. Elle avait attaché tout aussi patiemment les fines ficelles qui ferment les extrémités des baudruches à ses minces poignets, puis elle avait grimpée le mont Eclat.
Depuis toujours la jeune fille se questionnait, s’interrogeait. Enfant elle cherchait déjà des réponses auprès des adultes qui l’entouraient, ses parents, ses professeurs, ses amis. Même le prêtre de la paroisse voisine semblait distant, fuyant, souvent in-intéressé, sourds aux préoccupations de la petite fille, et à sa curiosité enfantine. Elle comprit plus tard que ses questions faisaient prendre conscience à certaines personnes de leur impuissance, de leurs contradictions, de leurs lacunes. En grandissant sa soif de savoir, de comprendre ne se tarit pas.
Elle entreprît ce long voyage qui la mènerait au sommet avec une légèreté dans l’âme, une confiance, une assurance qui aurait pu passer pour de la crédulité. Son corps tout entier lui semblait métamorphosé en harmonie avec ses sentiments. Son cou s’allongeait, on aurait dit que sa tête voulait rejoindre le ciel. Tous ses sens entaient en éveil, elle respirait calmement, elle se laissait caresser par une brise coquine sans la contrarier, elle froissait entre ses doigts des feuilles de menthe sauvage, qu’elle croquait ensuite avec délice.
Elle progressait sans difficulté sur le chemin mû par une incroyable énergie, sure qu’elle avait pris la bonne décision. À l’approche de la cime, elle se rendit compte que cinq ballons manquaient autour de ses poignets parce qu’ils avaient laissé une légère trace, un signe, un indice peut être, qu’elle essaya de déchiffrer en cheminant.
***
Le vieux monsieur grimpe l’échelle du temps qui le mène comme chaque après-midi à l’entrée de son livre jardin. Nous sommes au mois de mai, les pivoines et les lilas continuent de le charmer, de le fasciner. À presque 100 ans, il conserve une joie de vivre, une capacité d’émerveillement et d’enthousiasme extraordinaire. En approchant de la balancelle ou il se berce après le déjeuner contemplant la lumière et ses jeux d’ombres, il aperçoit cinq ballons colorés venus s’arrimer au coin gauche du canapé dans lequel il s’assoupit parfois.
Pour l’heure il est un peu fatigué, et décide de se préoccuper de la présence des baudruches aux teintes vives après son repos.
Il s’installe confortablement, cale son dos et sombre avec délice dans une quiétude bienfaisante et réparatrice.
Quand il s’éveille seul un ballon est encore attaché, il le décroche, sort ses lunettes de sa poche et lit : mon nom est Naori, j’habite désormais sur le mont Eclat, rejoignez moi je vous attends….
Ivoleine
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