Maridan-Gyres

Maridan-Gyres

Atelier 6 - 2021 - sujet 1

Début de l'histoire : ICI

Suite 1 :ICI

Suite 2 : ICI

 

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A ce moment précis, je me rends compte que j’ai des intentions louables mais pas de peps.

Par quoi commencer ? je tourne en rond.

Déjà attendre demain.

Lâcher l’ordinateur, filer au lit, oui mais avant  je me sers un whisky bien tassé - je rêvasse - je m’endors sur mon canapé vieillissant. Il y a des bosses et des creux. J’ai beau avoir mis des couvertures pour conforter tout ça, quand je me réveille, j’ai toujours des douleurs au bas du dos et dans les épaules.

Il fait noir. Une Sirène de pompier hurle, je sursaute, du coup je rejoins mon lit. Je sens un peu les ressorts du  sommier. Faudrait aussi changer de literie ?

Quand la radio s' allume, j’ai pas le coeur à me lever, j’ai un peu trop chargé sur l’alcool  et pourtant il faut aller bosser mec... et des surprises t’attendent si ça se trouve !

Un café, un pain au chocolat un peu rassis, une douche vite fait et je remets les fringues d’hier.

Il ne pleut plus – le ciel est chargé,  mais un petit rayon de soleil s’infiltre dans la grisaille.

J’arrive à la boutique 10 minutes avant l’heure. Le vieux n’en revient pas ! ça ne l’empêche pas de me dire :

 

« Je compte sur toi, pas de rêveries, je suis absent jusqu’à cet après midi »

 

Je ne soupire même pas.
         

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Misty rentre aussi – il vise le sofa et se love comme d’habitude « papattes en rond », pas même un regard à ses croquettes, il a du chaparder des trucs la nuit… le caniveau le fait saliver ! Un peu de gras de jambon tombé d’un sandwich ou miettes de pizza ou moisi de fromage, tout lui va.

Les gens jettent des trucs pas ragoûtants qui sont un peu partout, mais qui constituent des restes forts goûteux  pour chiens et chats errants et aussi pour chapardeurs bien nourris… Misty voit que je le fixe, il se déplace l’air irrité puis lâche l’affaire en s’aplatissant plus loin  sur sa vieille couverture préférée pleine de trous.

Ce matin j’ai pas envie de grimper à mon échelle.

Le vieux est pas là. Je cherche un bouquin mon choix : le HORLA de Maupassant.

clohea6s1c.png Je le connais par cœur.

 

Étudiant j’avais fait un exposé sur « les temps grammaticaux - imparfait, passé simple » utilisés dans la nouvelle - quel est l'intérêt de leurs emplois. J’avais adoré. J’avais eu 18 ! j’étais pas peu fier…

Le trouble mental m’a toujours fasciné.

Si ça se trouve je fais partie des « troublés du cerveau » …je m’enfonce dans le Horla…

La porte s’ouvre, la clochette tinte timidement, je relève les yeux et mon cœur s’emballe, mais déception c’est la factrice.

Déjà 11h… et j’ai fait que bouquiner.

A 12h pile le Vieux arrive. Il est drôlement en avance.

J’ai quand même déballé les cartons de livres. Je n’ai rien étiqueté.

Il a les sourcils froncés. Le comptable a du lui parler du fisc ! Ha la gestion financière quelle occasion de se prendre la tête !

Il ne regarde même pas les nouveaux bouquins et file dans l’arrière boutique pour se faire chauffer un café.

J’hésite à prendre ma pause pour rejoindre le troquet d’en face… Misty entame ses croquettes puis dédaigneusement tourne le dos à sa gamelle et passe comme une anguille dans sa chatière vers la rue. 

Si je pouvais faire pareil !

Le Vieux revient sa tasse à la main et me dit « à ta tête, je vois que tu n’attends qu’une chose… hé bien vas y – je te donne 30 minutes après on a du boulot ensemble »

Chez lui , les 35h et tout le tralala c’est pas de mode.

Ça m’arrange en fait, car il abuse pas vraiment et moi pas trop.

Le ciel s’est vraiment drapé de bleu et de quelques fioritures blanches. C' est très beau mais forcement pas de parapluie fleuri aujourd'hui…

Il me reste un mince espoir de croiser le chapeau ocré. Pas au troquet en tous cas. Il n’y a que les habitués des ballons de blanc, de rouge  et des sandwichs jambon beurre, debout au comptoir. Les places assises sont occupées par des papys et quelques mamys plutôt rigolotes. Je les connais tous.

Ils me saluent  d’un petit signe de leurs mains aux vaisseaux bleus apparents.

Leurs sourires comme marqués par la guerre des années,  je les aime.

Ils parlent de leur cœur, écrin de souvenirs

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30 minutes ça passe vite, j’avale un croque monsieur  un peu brûlé, 2 cafés et je repars vers la boutique.

Le Vieux a ses lunettes sur le bout du nez concentré sur une grande liste – celle des bouquins neufs sans doute.

Misty est rentré et a repris son poste de l’après midi sur une rangée de bouquins un peu ratatinés.

Le Vieux m’appelle et j’ai compris que nous allons vérifier ensemble les nouveautés et la liste,  car il est obsédé par l'idée que forcement il va en manquer un.

Il n’en manque pas. Rien n’alimentera sa mauvaise humeur sauf…moi !

La porte ne s’ouvre pas de tout l’après midi.

Je vais rentrer chagrin.

Où sont mes Belles ?

Il passe bien 2 semaines comme ça. Une routine affligeante. Quasi pas de clientèle. Les allées venues de Misty et les ronchonnements du Vieux.

J’ai essayé de reprendre ma nouvelle, mais plus rien ne l’alimente…

Comment donner du corps à mes personnages puisqu’elles ont disparu. J’ai pas assez d’imagination pour projeter des situations que je n’ai pas vécues.

Le stress de la page blanche, le stress de la toile blanche, je sais ça, mais je ne l’avais pas éprouvé.

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A nouveau la pluie a repris son rythme quotidien, des averses éparses dit la météo en fait ça n'arrête pas.

Le vent souffle aussi beaucoup et le froid se réinstalle.

J’en ai marre des bottes de pluie, des impers, des mains mouillées, il faudrait des gants de chantier et une combinaison entière. J’envie presque les gars de la DDE  qui sont parés pour les intempéries avec leurs cirés jaunes ou oranges des pieds à la tête, pas sexy mais efficaces.

Et pas un parapluie fleuri à l’horizon ! pas un chapeau ocré non plus.

C’est mon leitmotiv de dépressif…change de disque garçon…

 Ce soir est un autre soir, mais c’est le même qu’hier…

Je reste des heures devant mon clavier. Je pense à mille et un truc – je relis ce que j’avais écrit.

Je suis plutôt content puis l’ennui arrive.

Je suis bloqué sans idée.

Je pense à tous ces écrivains  prolixes classiques ou pas.

J’ai quand même un grand faible pour Zola, Balzac , Hugo…

Ça m’aide pas à trouver l’inspiration. Ça me paralyse plutôt.

La fatigue m’envahit -  je laisse tout en plan et je vais dormir.

 

Un grand bruit me réveille. J’habite sous les toits.

Sans doute des ouvriers pour les ardoises cassées.

Je me lève  et là aussi ma petite routine du matin se déroule au geste près.

Je renverse mon café, ça fait une fantaisie…

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Le bus est en retard. Moi aussi - ça tombe bien –

Je presse un peu le pas - La boutique est éclairée. Il fait encore presque nuit en ce mois de janvier.

Tout à coup, un mirage ou un miracle, j’aperçois une chevelure ocrée sans chapeau, mais sûr c’est elle !  J’entre comme un bulldozer. Elle est là et feuillette un livre.

Elle se retourne avec son sourire esquissé et ses yeux dorés.

Elle est venue me remercier pour le choix du Roman de Georges SAND, son amie a adoré.

Je suis confus et ravi. Si le Vieux n’était pas là je lui proposerais un café.

Misty ouvre un œil et s’étire. Il appelle la caresse. Elle tend la main vers lui et il ronronne bruyamment.

J’aimerais m’appeler Misty. Le Vieux est reparti derrière sa caisse.

Je suis planté comme un niais. Je ne la quitte pas du regard et je finis par bredouiller une invitation pour le midi au petit restaurant Italien à deux pas pour parler Roman !

Elle accepte avec douceur. J’en suis Baba !

Je lui demande son prénom. « Natalia » et je me présente « Ludovic ».

Dire qu’il faut des semaines pour se dire ça !

Elle sort de la boutique et je remarque ses chaussures noires aux talons dorés.

Tout à l’heure je pourrai la boire des yeux en face de moi.

Savoir si elle d’origine italienne ou russe ou quoi ?

 

Clohe



16/04/2022
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