29/03/2013 les textes de Marie-Christine POLGE
Texte 1
C’est bleu, c’est froid. A la surface perlent des gouttes d’eau, gouttes de pluie qui dégoulinent. Ma main s’approche, les doigts tendus. C’est froid, c’est bleu, c’est lisse. Je goûte les gouttes d’eau, perles de pluie. C’est froid, c’est bon, c’est doux. J’enfonce mes pieds dedans, ça craque, ça cède, je m’enfonce de tout mon poids. C’est bleu, c’est blanc, ça craque, c’est froid et humide. Le bas de mon pantalon est mouillé. Pouf ! Je me couche dedans, je m’enfonce, je disparais. C’est bleu, c’est blanc, c’est profond. Je disparais.
Texte 2
Le chemin est jaune, j’y dépose mes pas, un à un. Il est bordé d’herbe, verte, touffue. Au-delà de l’herbe, une clôture, de chaque côté du chemin. Je scrute l’horizon. Au début je n’aperçois que des arbres, isolés, feuillus, d’un vert tendre qui flatte le regard. Puis je les vois, et presque aussitôt je les sens, car leur odeur est bien caractéristique et j’aime m’en emplir les naseaux :
les chevaux. Ils sont là, éparpillés, ensemble, paisibles, vivants. L’un d’eux me regarde, et petit à petit, c’est tout le troupeau que j’intéresse. Quel bonheur ! L’un d’eux vient vers moi. Il s’approche. Je tends la main. Il la renifle. Je me baisse un peu. Et je m’approche. Naseaux contre naseaux, nous nous sentons. Il lève la tête et je comprends sa demande :
j’arrache une touffe d’herbe verte et je la lui tends. Il s’en empare avidement. Car l’herbe du voisin est toujours la meilleure n’est-ce-pas ? Et je continue ma route, emmenant avec moi cette belle présence chevaline. Je marche, avec moi ce beau souvenir ressenti sur ma peau, dans ma chair, quand, tout à coup, un reflet attire mon regard :
au sol gît une clé. Elle brille, d’un doré profond ; elle est grande, sans doute ouvre-t-elle la porte d’une maison, ou un coffre, que sais-je ? Tentée par l’aventure, je la mets dans ma poche en me disant « et si ?… » Je continue ma route, intriguée par cette trouvaille : quelle porte cette clé va-t-elle ouvrir sur mon chemin ? J’en étais là de mes réflexions quand mon regard est à nouveau attiré au sol :
cette fois c’est un objet en terre qui gît là. J’ai failli buter dedans. Qu’est-ce donc ? Un pot. Un pot en terre cuite. Il est au milieu du chemin. C’est risqué me dis-je. Alors délicatement je le prends et le dépose sur le bord du chemin, à l’abri. Je ne l’emporte pas car je n’en ai pas l’utilité : j’ai avec moi une gourde remplie d’eau et elle me suffit. D’ailleurs, j’y pense maintenant, les chevaux aussi avaient de l’eau à disposition. Non décidément cette cruche ne m’est d’aucune utilité. Je passe mon chemin, tâtant dans le creux de ma poche la clé qui s’y trouve :
à l’horizon, une forêt se dessine. Grande, majestueuse, je m’en approche pas à pas. Et soudain elle est là. De grands arbres majestueux la composent. J’y pénètre avec ravissement. Car l’air y est frais, j’y suis à l’abri des feux du soleil, l’air est saturé d’humidité et de chants d’oiseaux. Et même, çà et là, des bruissements dans les fourrés me disent que les animaux sont bel et bien là, dans la forêt, dans leur forêt. Car moi, si je n’y prends garde, je suis une étrangère. Alors je calfeutre mes pas, j’aspire au calme, je respire tranquillement, et je coule ma présence dans la forêt. Je progresse ainsi – combien de temps ? je ne saurais le dire – et je me suis si bien accoutumée à la végétation, ces grands arbres et les buissons à leurs pieds, que je me laisse à nouveau surprendre :
Tout d’un coup le paysage s’ouvre. En une clairière. Une clairière qui entoure un grand lac, resplendissant car avec l’ouverture de la forêt vient l’ensoleillement. Les rayons dardent la surface de l’eau. Et c’est quelque chose de magique, de beau, d’incroyable ! Alors, ni une ni deux, me voilà déshabillée et empressée d’aller rejoindre l’eau, d’y tremper les pieds puis le corps entier et enfin la tête. J’y plonge avec délectation, l’eau vient me laver de cette journée et de tout ce chemin parcouru. L’eau est la bienvenue sur ma route. Une bénédiction aquatique :
il est temps d’en sortir. Le soleil suit sa course, la luminosité diminue et il me faut me sécher, me rhabiller, et reprendre la route, encore, avec détermination, et patience. Je tâte la clé dans ma poche. Pourquoi ne suis-je pas restée auprès des chevaux, je les aime tant. J’y aurais trouvé une douce et amicale compagnie… Perdue dans mes pensées, j’en oublie le chemin, et je marche pourtant, mécaniquement. Stop ! en voilà une histoire :
Un mur me barre la route. Il coupe le chemin, m’empêche d’avancer. Curieuse, je me hisse sur la pointe des pieds. Ça ne suffit pas. Il est drôlement haut. Zut ! Je vais pourtant continuer, j’ai cette clé là… qui sait ce qu’elle ouvrira ? Alors, rassurée, je prends mon courage à deux mains, et je grimpe, j’escalade. Pourvu qu’il n’y ait pas de chien… ou bien qu’il soit gentil, qu’on devienne copains… et qu’il me laisse accéder à la maison. J’ai besoin de repos, le soir tombe, je suis fatiguée, j’aspire au repos ! Allons ! En avant et qui vivra verra ! Peut-être croiserai-je un humain compatissant ? Qui sait ?
Tout est possible en ce monde.
Marie-Christine Polge
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